Dans quelle mesure le niveau de vie d’une personne dépend-il du lieu où elle a grandi ? Rarement étudiée, cette question a pourtant d’évidentes implications en matière de ciblage des politiques publiques. Cette note tente ici d’y répondre sur un segment particulier de population, les enfants d’ouvrier ou d’employé, étudiés sur les cohortes nées entre 1970 et 1988.
On constate d’abord, sans surprise, que leurs perspectives de revenus à l’âge adulte augmentent avec le niveau de richesse du territoire d’origine : la région la plus riche et la région la moins riche – Île-de-France et Nord-Pas-de-Calais – sont aussi celles qui présentent le plus grand écart de revenus – 260 euros par mois, soit 16% du niveau de vie médian des enfants d’ouvrier ou d’employé de ces générations. Mais certaines régions au niveau de richesse intermédiaire – Auvergne, Franche-Comté, Limousin – offrent à ces enfants d’origine modeste qui y ont grandi des perspectives de revenus plus favorables qu’aux résidents de ces territoires. Se combinent ici plusieurs facteurs comme l’accès à l’enseignement supérieur ou le taux de mobilité vers des régions à plus haut niveau de vie, facteurs dont l’importance fluctue selon les territoires. En revanche, les régions les plus pauvres – Languedoc-Roussillon, Corse et Nord-Pas-de-Calais – offrent des perspectives de niveau de vie faibles, en particulier pour les non-diplômés restés dans la région, avec un taux de départ également faible.
Au sein d’une même région, voire d’un même département, les perspectives de revenus varient très peu selon la taille des agglomérations. En revanche, à l’intérieur des agglomérations, on constate des écarts comparables à ceux observés entre régions extrêmes d’origine. Entre les quartiers les plus favorisés et les moins favorisés, les écarts sont – beaucoup plus fortement qu’à l’échelle régionale – liés à l’accès à l’enseignement supérieur et à l’origine migratoire.
Pour résorber ces inégalités des chances au sein des agglomérations, les leviers éducatifs, la promotion de la mixité sociale et la lutte contre les discriminations selon l’origine migratoire semblent constituer des pistes à privilégier. L’amélioration des perspectives des enfants d’origine modeste des régions pauvres nécessiterait en revanche d’agir sur les marchés du travail locaux, notamment pour les travailleurs les moins qualifiés.
Source : France Stratégie
Publication : La Note d’analyse, n°91
Date de la publication : juin 2020